Quel référendum d’autodétermination pour la Catalogne ? (La Tribune)
Le parlement catalan a adopté le principe d’un référendum d’autodétermination, avec ou sans l’accord de l’Espagne. Mais les conditions du succès de ce référendum ne sont pas encore remplies.
Romaric Godin.- Cette fois, la majorité indépendantiste catalane a lancé le processus d’autodétermination avec deux votes au parlement catalan jeudi 7 octobre. Comme annoncé voici une semaine par le président de la Generalitat, le gouvernement catalan, Carles Puigdemont, la « feuille de route » vers l’indépendance catalane a été « mise à jour » et le processus est désormais clairement établi : des « structures d’Etat » seront construites d’ici à juillet 2017. Parallèlement, Barcelone tentera de discuter avec Madrid la mise en place d’un référendum d’autodétermination accepté par l’Espagne. En cas d’échec de cette première voie, un référendum unilatéral se tiendra durant la seconde quinzaine de septembre et, en cas de succès de l’option de l’indépendance, cette dernière sera proclamée et des élections constituantes auront lieu en mars 2018. L’assemblée issue de ce scrutin préparera une constitution, en prenant en compte un « processus citoyen » qui sera, elle aussi, soumise à référendum.
Clarification de la feuille de route
A la différence de la première feuille de route, issue du programme électoral de la coalition indépendantiste Junts Pel Sí avant les élections catalanes du 27 septembre 2015, ce nouveau processus est relativement clair. Il n’évite pas, comme auparavant, l’écueil d’un échec des négociations avec l’Espagne et trace une voie directe vers l’indépendance ou vers le maintien de la Catalogne dans l’Espagne. Mais il n’empêche que tout n’est pas réglé. Loin de là. La question est évidemment de savoir si cette feuille de route, aussi claire soit-elle, est effectivement réalisable alors que plusieurs incertitudes demeurent.
Comment éviter un « 9 novembre 2014 » bis ?
Car, la vraie question n’est pas de faire un référendum, même reconnu par le gouvernement catalan comme « contraignant », il faut que celui-ci soit reconnu à l’extérieur comme un véritable exercice démocratique qu’il sera impossible de contourner ou de nier. Dans ce cas, si ce référendum est reconnu comme étant l’expression réelle de la majorité des Catalans, l’Espagne, qu’elle le veuille ou non, aura du mal à en nier le résultat et à continuer à le combattre, fût-elle juridiquement dans son droit. Le but désormais pour Carles Puigdemont est donc d’éviter un scénario semblable à celui de la « consultation » du 9 novembre 2014, interdite par le Tribunal Constitutionnel espagnol et qui s’est tenu dans des lieux organisés par les Indépendantistes. Du coup, même s’il a mobilisé 2,1 millions d’électeurs (soit 38,1 % de l’électorat), son résultat n’a pu être considéré comme réellement contraignant ni représentatif.
Quelles garanties ?
L’enjeu est donc désormais de donner des garanties supplémentaires à l’honnêteté du scrutin et à la reconnaissance de son résultat, mais aussi, par ces moyens mêmes, à en faire une consultation où les Catalans se reconnaissent, y compris ceux qui sont opposés à l’indépendance. C’est le sens de la motion adoptée jeudi par le parlement qui indique que le référendum « devra disposer des plus grandes garanties d’inclusion, assurer une participation la plus large et rechercher une reconnaissance recherchée de l’Union européenne et de la communauté internationale ». Autrement dit, ces éléments apparaissent comme des conditions de la réalisation de ce référendum. Et c’est un défi très délicat à relever pour le gouvernement catalan.
C’est dans cet esprit que le gouvernement catalan a décidé de créer d’ici un mois un « comité de suivi du processus d’autodétermination » qui sera formé d’experts internationaux et dont le but sera de garantir l’aspect démocratique du processus. Il s’agit de donner des garanties qui pourraient conduire à une reconnaissance des Etats étrangers. Il sera accompagné d’un « conseil consultatif sur le processus constituant » qui aura pour tâche de réaliser une consultation la plus large possible et de faire participer la société civile sur le thème de l’indépendance. In fine, il s’agit d’élargir la participation au débat au-delà des cercles indépendantistes.
La clé se trouve à gauche
Mais l’élément décisif de ce processus sera de savoir si le groupe autour de Podemos et de la maire de Barcelone Ada Colau accepte ou non le référendum unilatéral. Dans ce cas, les Indépendantistes sortiraient de leur « ghetto » : le processus serait soutenu non plus seulement par ces derniers qui ont réuni 47,8 % des voix le 27 septembre 2015, mais par un groupe qui n’est officiellement pas indépendantiste, mais qui est favorable au « droit à décider ». Le processus deviendra alors soutenu par des partis cumulant 83 des 150 députés et près de 56,7 % des voix aux dernières élections catalanes et aux élections espagnoles du 26 juin derniers. Il sera alors impossible d’y voir un référendum « interne » aux seuls indépendantistes. Dans ce cas, les électeurs des partis unionistes pourraient être tentés de ne pas suivre les consignes de leurs partis et de se rendre aux urnes.
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