Vague d’inquiétude en Europe face aux poursuites judiciaires à l’encontre d’élus catalans
DIPLOCAT – Plusieurs députés et partis politiques européens ont exprime leur solidarité et leur inquiétude et demandent qu’une solution politique soit trouvée au cas catalan
Alors que des milliers de citoyens ont exprimé leur soutien à la présidente du Parlement de Catalogne, Carme Forcadell, les poursuites engagées à son encontre pour avoir permis un débat sur l’indépendance dans la chambre catalane ont suscité la réaction de plusieurs députés et partis politiques européens. Ils ont exprime leur solidarité et leur inquiétude; ils demandent qu’une solution politique soit trouvée au cas catalan.
Royaume-Uni: motion à Westminste. Un groupe de 15 députés du Scottish National Party (SNP), du Plaid Cymru (Parti du pays de Galles) et du parti irlandais Social Democratic and Labour Party (SDLP) a déposé une «Early Day Motion» à la Chambre des communes exprimant sa préoccupation quant aux poursuites engagées à l’encontre de la présidente du Parlement catalan, Carme Forcadell. Le document, promu par le député du SNP George Kerevan, note que Forcadell «serait accusée d’avoir violé la loi espagnole pour avoir autorisé un débat parlementaire sur l’indépendance». Une situation qui «indépendamment des légalités constitutionnelles en cause» les signataires jugent «regrettable» et qui peut constituer «un précédent dangereux».
La motion demande donc au gouvernement espagnol «de réexaminer la poursuite engagée» et de trouver «une solution à son désaccord avec le Parlement catalan par le dialogue mutuel». Par ailleurs, Kerevan fait savoir dans un communiqué de presse que Forcadell «n’utilisait pas sa position de Présidente pour défendre une position sur l’indépendance catalane» mais elle a «simplement facilité le processus démocratique» dans un parlement «où il y a une majorité claire pour organiser un référendum sur indépendance».
Plusieurs députés ont rejoint la motion qui est maintenant soutenue par 22 élus, certains du Parti travailliste, des Démocrates libéraux et du Parti des verts.
Solidarité du Pays de Galles. L’homologue de Forcadell au Parlement gallois, Elin Jones, a exprimé sa solidarité avec la présidente catalane «pour avoir permis un débat démocratique dans la Chambre qu’elle présidait». Jones l’a affiché en catalan sur son profil Twitter. De sa part, Simon Thomas, membre de l’Assemblée galloise et ancien membre du Parlement britannique, a soulevé un «statement of opinion» à l’Assemblée.
Ecosse : indépendantistes et unionistes. Alex Salmond, ancien Premier ministre de l’Écosse et président du Scottish National Party, actuellement député à Westminster, a déclaré à Bruxelles que «l’affaire contre la présidente du Parlement catalan est source de consternation à la Chambre des communes».
Le député écossais Ian Duncan, qui a défendu la position unioniste lors du référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, a souvent plaidé pour une solution accordée du cas catalan et pour le droit de voter sur cette question. Il s’est dit «troublé par les développements en Catalogne» et ajoute que «quel que soit votre point de vue sur la question, organiser un débat dans un Parlement ne peut jamais être un délit».
Irlande: «Attaque à la démocratie». Le porte-parole des Affaires étrangères du Sinn Féin, Seán Crowe, a appelé l’exécutif espagnol à «reconsidérer» sa position «même à ce stade tardif» et à «arrêter la procédure» à l’encontre de Forcadell. Selon Crowe, les autorités espagnoles «ne peuvent étouffer, ignorer ou interdire les revendications démocratiques» du peuple catalan. Il a déploré que la présidente du Parlement puisse être condamnée à une amende et à une mise à pied pour «avoir prétendument violé la loi espagnole en autorisant un débat parlementaire sur la modification de la Constitution espagnole, en relation avec l’indépendance catalane».
Le président du Sinn Fein, Gerry Adams, a soulevé la question de la poursuite de Carme Forcadell au Parlement irlandais. Selon Adams, Forcadell «est en quelque sorte considérée comme coupable d’un délit par les autorités espagnoles». «C’est extrêmement préoccupant, c’est une attaque contre la démocratie et cela crée un précédent dangereux», a ajouté Crowe, tout en notant que le fait de poursuivre Forcadell «pour faciliter un débat sur une question aussi importante et populaire met en péril les normes démocratiques chères aux gens partout dans le monde».
Suisse: interpellation unanime au Conseil fédéral. Quinze (15) membres du Parlement suisse ont déposé une interpellation devant le gouvernement suisse, le Conseil fédéral, avec la question suivante: «Le Conseil fédéral est-il disposé à exprimer sa préoccupation au près du gouvernement espagnol après l’ouverture d’une procédure pénale contre la présidente du Parlement catalan et l’escalade judiciaire qui semble entraver un processus purement pacifique et démocratique?».
L’appel est signé par 15 députés des 6 partis fédéraux: le Parti socialiste (3), le Parti écologiste (1), les Vert’libéraux (1), le Parti libéral-radical (2), le Parti démocrate-chrétien (3) et l’Union démocratique du centre (5). En développant sa question au Conseil fédéral, les 15 députés affirment que la présidente du Parlement catalan fait l’objet de poursuites pénales pour avoir «permis un débat dans la chambre sur un référendum d’indépendance en Catalogne». Selon les députés, ces procédures pénales «défient un pays comme la Suisse, habitué à la démocratie directe». Les parlementaires encouragent le «dialogue mutuel» et avertissent que «cette procédure pénale contient la semence de la discorde, qui pourrait être évitée par une approche démocratique plutôt que par l’approche judiciaire».
Des mots durs d’un député allemand. Le social-démocrate allemand Bernhard von Grünberg, membre du Parlement de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, a également commenté la poursuite de Forcadell et la réponse judiciaire du gouvernement espagnol à la feuille de route pro-indépendance de la Catalogne. Dans une lettre adressée à différents dirigeants politiques allemands, von Grünberg a signalé au gouvernement d’Angela Merkel, aux parlements fédéraux et au Parlement européen que le gouvernement espagnol «est de plus en plus antidémocratique», qu’il «combat systématiquement» les aspirations démocratiques de la Catalogne et qu’il a «refusé de dialoguer».
Selon von Grünberg, les poursuites judiciaires à l’encontre de Forcadell et du juge Santiago Vidal, ce dernier mis à pied pour avoir rédigé un projet de constitution catalane dans son temps libre, prouvent «la montée de l’agression délibérée menée par le gouvernement espagnol». Ainsi, von Grünberg a appelé le président du Bundestag, Norbert Lammert, et celui du Parlement européen, Martin Schulz, à «prendre position» pour empêcher l’Espagne de «perdre sa démocratie» comme cela s’est produit dans d’autres pays. Il a également noté que la Cour constitutionnelle espagnole, «devrait être indépendante», tout en déplorant qu’elle soit composée de membres nommés par les partis politiques.
Le ministre danois de l’Affaires étrangères a été interpellé. Par l’intermédiaire du député Nikolaj Villumsen (Enhedslisten, Liste de l’unité), le Parlement danois a demandé au ministre d’Affaires étrangères, Anders Samuelseon, de prendre position sur les poursuites de Forcadell et de décider dans un délai d’une semaine si le procès est contraire à la «Pétition pour un débat démocratique entre la Catalogne et l’Espagne» signée l’année dernière.
Cause/conséquence du point de vue suédois. Bodil Valero, eurodéputé suédoise pour le Parti Vert, a déclaré: « Je trouve très difficile de comprendre comment le gouvernement espagnol ne voit pas que plus ils bloquent le souhait de la Catalogne de décider leur avenir, plus des Catalans veulent l’indépendance ».
Italie: «une solution politique et démocratique». Le député italien et fondateur du mouvement Possibile, Giuseppe Civati, a averti le gouvernement espagnol qu’il est «très dangereux» d’utiliser les tribunaux pour arrêter le processus catalan et lui a demandé de trouver une «solution politique et démocratique plutôt que judiciaire». Il a exprimé son soutien à la présidente «du Parlement catalan et a souligné que «les débats dans tous les Parlements devraient toujours être libres».
Slovénie: «inquiétant» et «scandaleux». Le député européen Ivo Vajgl (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, ALDE) de Slovénie a déclaré qu’«Il est inquiétant et dommageable pour la réputation de la démocratie espagnole que la présidente du Parlement catalan, Mme Carme Forcadell, soit traduite devant un tribunal pour avoir usé de son autorité et pour avoir permis un débat démocratique au Parlement, élu par le peuple catalan. L’Espagne dans son ensemble et la Catalogne sont impliquées dans un débat très sérieux sur leur avenir qui devrait se jouer dans les règles universelles et le langage de la démocratie».
L’eurodéputé Igor Soltes (Groupe des Verts, ALE) s’est référé au cas de Mme Forcadell comme une «procédure scandaleuse».
Soutien flamand. L’eurodéputé flamand Mark Demesmaeker (CER, Conservateurs et réformistes européens) a tweeté le soutien de son parti, la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA, Alliance néo-flamande).
Article original: http://catalanindependance.blog.lemonde.fr/2016/12/18/vague-dinquietude-en-europe/